Chante l'eau
Pour vous mettre l'eau à la bouche, un texte qui aurait pu être dans la revue qui paraitra en janvier 2014. Pas d'inquiétude, un texte de notre auteur sera bien publié dans la revue.
CHANTE L’EAU
Les perles nacrées de la rosée
S’éparpillent en chantonnant, en un soyeux voile irisé.
Les fleurettes se dissimulent enivrées, mais pudiques,
Sous le manteau diaphane saturé de nectar,
Imprégné de tous les parfums capiteux épars,
Et de la nuit divulguent les secrets oniriques…
Ondoyants, espiègles, rusés et follets,
Les rus jaloux fredonnent entre eux.
Louvoyant tentaculaires, en minces filets
Dans l’herbe drue.Ils palpitent, se faufilent,
Dérobent les rêves utopiques et mystérieux,
Puis s’écoulent vers les fossés, en buissonnières rigoles…
L’onde apaisée des étangs, langoureuse, s’étale,
Frissonne dans le subtil clapotis de ses ridules
Sous le baiser fripé de la brise légère.
La lune et le soleil, à contretemps, mirent
Dans cette psyché leur solitude.
Apaisés d’avoir pu dans leur reflet s’identifier, se cloner,
Ils regagnent soulagés le firmament, pour s’abandonner
Et dans une aubade céleste, libérer leur béatitude…
Les rivières alanguies serpentent parmi les rives,
Chantonnant entre les fiers roseaux,
Une subtile sérénade de doux clapotements, les abreuvent,
Psalmodiant en cadence, leurs pensées cristallines, au son de leur flûtiau.
Les violents torrents luttent en cataractes capricieuses
Parmi les roches aigues; et dans ces cascades écumeuses,
Tournoient nos espérances rebelles. Elles s’y dévergondent
Et sont pulsées vers la mer,-leur dernier voyage-, en une chorale furibonde.
Les flots arrivent enfin dans l’immensité prodigieuse
De l’océan, et au son de sa voix de stentor harmonieuse
Se gorgent de sel, puis en rouleaux dansent;
Amoureusement les gouttelettes étreignent les coquillages et valsent.
La vague se déploie, ourle la plage, en une caresse de soie étale,
Puis s’enchevêtre insoumise, en une furieuse houle.
Ses gouttes pressées d’être aspirées par les nuées, saturées de beauté,
Libérées dans l’éther de l’emprise de la planète bleue,
Déferleront sur la terre nourricière avec générosité,
Alourdies de l’ arpège de couleurs diaprées d’un arc-en-ciel orageux,
En le chant endiablé
D’une perpétuelle ritournelle…
Paulette Cantan-Grison