Artiste du jour : Henri Lilienthal
LA COLOMBE
La pluie avait cessé, l’arche était immobile,
L’océan se calmait, l’horizon semblait pur.
Libérée, mais d’un vol encore malhabile,
La colombe ardemment s’élança vers l’azur.
Depuis quarante jours, elle était prisonnière
De la mer et des cieux à l’envi déchaînés,
Elle aspirait enfin à retrouver la terre,
Ses forêts, ses vallons, ses jardins raffinés.
Pleine d’espoir, elle filait à tire d’aile,
Survolant sans faiblir l’immensité des flots.
Ses yeux cherchent en vain, mais rien ne se révèle,
Pas l’ombre d’une terre et pas le moindre îlot.
Pourtant, là-bas, une tache plus sombre
Se découpe et, bientôt, émerge de la mer.
Et la colombe croit apercevoir dans l’ombre
Une haute falaise, à son pied un amer.
Soudain ragaillardie, elle force l’allure.
La terre est là, tout près, elle en sent les odeurs :
Les fleurs des prés, les champs, des arbres la ramure
Et l’haleine du vent lui soufflent leur tiédeur.
Hélas ! en approchant, son regard qui s’aiguise
De spectres menaçants distingue les contours.
Ils l’attendent au bord de la terre promise,
Les sinistres faucons, charognards et vautours.
La colombe prend peur et, malgré sa faiblesse,
Vers l’arche elle revient, vite et sans dévier.
À bout de forces, sur le pont, elle s’affaisse.
Ce sera pour plus tard, le rameau d’olivier.
Henri Lilienthal
69 - Tassin la Demi-Lune