DANS LES AUTOMNES DE NAGUERE de Maurice Carême
Dans les automnes de naguère,
J'avais des peupliers d'or fin,
De longs peupliers de lumière.
J'y pense devant les sapins
Abattus de cette clairière.
Ma petite chambre d'enfant
Ressemblait à un berceau blanc,
Un berceau étoilé de fleurs
Que mes peupliers, dans le vent,
Berçaient, berçaient durant des heures.
Mon jardin avait un rosier,
Un grand rosier rouge et tremblant
Que l'ombre de mes peupliers
Rendait plus rouge et plus tremblant.
Je m'asseyais toujours devant.
Je lisais tout : des devinettes,
Des almanachs, de vieux romans.
Les fées riaient à ma fenêtre,
Et mes peupliers, doucement,
Rythmaient les vers de mes poètes.
"Ecoute, me disait ma mère,
Les peupliers seront vendus
Si tu ne dis pas ta prière."
J'y pense, dans cette clairière,
Devant les sapins abattus.
Maurice Carême
Brabant
© Fondation Maurice Carême
Peinture : Andrée Dubois